Dix jours depuis le référendum : début du grand «Â nettoyage »
Purges massives, bombardements anti-kurdes : bienvenue en république démocratique turque !
Il aura fallu dix petits jours à Recep Tayyip Erdogan, président turc, pour mettre en œuvre ses noirs desseins. Et ceci suite au référendum constitutionnel qui lui a octroyé tous les pouvoirs le 16 avril dernier. Car si les moyens pour obtenir une victoire pour le moins ténue restent fortement contestables, elle lui a cependant accordé une impunité dont il ne s’est pas privé.
Comme il l’était malheureusement à craindre, le pire est en train de se produire en Turquie. La campagne de répression qui avait débuté il y a quelques mois déjà après la tentative de putsch de juillet 2016 est en train de prendre une ampleur démesurée alors que l’on peut d’ores et déjà déplorer l’incarcération de 46 000 personnes.
Depuis mercredi, le pays assiste à une répression massive avec l’arrestation de 1 120 potentiels partisans de l’imam opposant Fethullah Gülen, accusé par le gouvernement turc d’avoir conspiré pour organiser la tentative de coup d’état. Plus de 9 000 policiers soupçonnés de liens avec ce même réseau ont été suspendus et 8 500 autres, « reconnus » par le sérail, sont mobilisés pour interpeler 3 200 personnes faisant l’objet d’un mandat d’arrêt car suspectées d’être liées à cette même mouvance… Et cette vaste opération de « nettoyage » si l’on reprend le terme utilisé par le ministre de l’intérieur turc lui-même, Süleyman Soylou, vient afin « d’identifier et de détruire une structure qui s’est infiltrée dans notre police et cherche à contrôler notre police de l’extérieur… ».
Cette vague de purge a lieu trois semaines avant la visite du président turc aux États-Unis où le sujet de la demande d’extradition de Fethullah Gülen, qui vit en Pennsylvanie, sera abordé, sachant que les précédentes demandes réclamées à plusieurs reprises par la Turquie sont jusqu’ici restées systématiquement sans réponse…
Dans un autre registre, l’armée turque a bombardé dans la nuit de lundi à mardi 25 avril, des militants kurdes yézidis dans la région irakienne de Sinjar. Quarante membres des forces de sécurité kurdes ont été tués par ces frappes.
Le nord-est de la Syrie n’a pas non plus été épargné, un raid aérien visant « une base abritant un centre de communication pour les médias et des installations militaires » a tué trente combattants des forces de sécurité kurdes irakiennes et trois personnes d’un centre médical.
Les YPG (Unités de protection du peuple kurde, branche du PKK en Syrie), engagés dans la lutte contre l’État islamique et soutenus par les États-Unis, ont appelé la coalition internationale : « il est impensable que nous combattions sur un front aussi important que Raqqa et qu’au même moment les avions turcs nous attaquent dans le dos ». Ankara avait commencé sa lutte contre l’EI et les groupes kurdes comme les YPG en août 2016 et avait déclaré l’avoir terminé en mars dernier. Le gouvernement turc estime que cette milice kurde syrienne est alliée du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) et par voie de conséquence la qualifie de « terroriste ». Pour le président turc, la lutte contre l’EI doit se faire sans les YPG. Dans un communiqué, les autorités du pays ont affirmé que « les opérations vont se poursuivre avec la même détermination, jusqu’à la neutralisation du dernier terroriste »…
Parallèlement aux 100 jours d’investiture du président Donald Trump aux États-Unis, nous assistons aujourd’hui aux 10 jours post-référendum en Turquie… Et si le bilan est loin d’être encourageant au pays de l’oncle Sam, celui de la république turque née de la révolution kémaliste est plus que dramatique. Sous couvert de lutter contre le « terrorisme », le Reis laisse libre cours à ses velléités de répression, en toute légalité, puisqu’il a obtenu la quasi totalité des pouvoirs lors du dernier référendum. Que tous ceux qui avaient encore espoir en la Démocratie turque en fasse leur deuil. Son agonie a officiellement pris fin le 16 avril 2017…
Béatrice Taupin
Dogan Presse