DETTE MONDIALE : LE SCÉNARIO CATASTROPHE DU FMI
Malgré le renforcement du système financier mondial et l’amélioration globale de la conjoncture, l’institution pointe les risques considérables d’une poursuite des politiques monétaires très accommodantes dans un contexte d’accumulation de la dette et de surévaluation des actifs.
Dans son rapport sur la stabilité financière dans le monde, le Fonds monétaire international (FMI) évalue l’impact sur l’économie mondiale d’un sceÌnario baissier dans lequel une reÌeÌvaluation des risques provoque une flambeÌe du couÌ‚t du creÌdit, une chute des cours des actifs et un retrait des capitaux des marcheÌs eÌmergents. “Les reÌpercussions eÌconomiques de ce resserrement des conditions financieÌ€res mondiales seraient consideÌrables (environ le tiers de l'intensiteÌ de la crise financieÌ€re mondiale de 2008-2009) et plus geÌneÌraliseÌes”, explique le FMI qui estime que la production mondiale chuterait de 1,7% (par rapport à ses dernières prévisions).
Dans le scénario catastrophe du FMI, tout se passe bien jusqu’aux environs de 2020 : les marchés actions et immobiliers continuent de grimper, les taux d’intérêt et la volatilité resteraient à un faible niveau. Cet environnement toujours aussi favorable conduit les investisseurs à dépasser les limites pour rechercher de bons rendements, jusqu’au moment où les marchés s’inquiètent de la viabilité de la dette. C’est la seconde phase du scénario. On assisterait alors à un rééquilibrage des risques entraînant une hausse des écarts de crédit et une chute des marchés actions jusqu’à 15% et des prix de l’immobilier jusqu’à 9% selon les régions, “faisant dérailler la reprise économique et la stabilité financière”.
A court terme, l’institution indique dans son rapport que les risques sont plus faibles, notamment parce que le renforcement du système financier mondial se poursuit, que bon nombre de banques sont plus solides et que les perspectives de croissance sont globalement meilleures. Mais elle note que malgré cette embellie, “la poursuite de la politique moneÌtaire accommodante (...) entraiÌ‚ne aussi un accroissement de la valeur des actifs et de l'effet de levier (l’endettement, NDLR)”. Or, selon le FMI, les politiques moneÌtaires non conventionnelles et l'assouplissement quantitatif massif mis en place par de nombreuses banques centrales rendent “l'ajustement des marcheÌs financiers beaucoup moins preÌvisible que dans les cycles preÌceÌdents”. Dans ces conditions, “des changements soudains ou inopportuns pourraient provoquer des turbulences intempestives sur les marcheÌs financiers et se propager aÌ€ l'eÌchelle internationale”.
Premier facteur de risque : “il y a trop d'argent en queÌ‚te de trop peu d'actifs rentables”. Les chiffres du FMI sont édifiants. Actuellement, moins de 5% (1.800 milliards de dollars) du volume mondial d’obligations génère un rendement de plus de 4%, alors qu’il y en avait 80% (15.800 milliards de dollars) avant la crise financière mondiale de 2008. Le deuxième facteur pointé par le FMI est l’accroissement de l'endettement des principales eÌconomies de la planeÌ€te. “L'effet de levier dans le secteur non financier est deÌsormais plus eÌleveÌ qu'avant la crise financieÌ€re mondiale dans l'ensemble des pays du G20”, relève le rapport.
Le défi consiste donc aÌ€ maiÌ‚triser l'accumulation des facteurs de risque tout en maintenant une politique moneÌtaire accomodante. ”Sinon, l'augmentation de la dette et la sureÌvaluation des actifs pourraient miner la confiance dans les marcheÌs, avec des reÌpercussions potentielles sur la croissance mondiale”, explique le FMI. Or, en Chine, si les craintes d'un ralentissement aÌ€ court terme ont été réduites, “l'ampleur, la complexiteÌ et le rythme de croissance du systeÌ€me financier chinois laissent entrevoir des risques eÌleveÌs”. Les actifs des banques chinoises ont progresseÌ de 240% du PIB aÌ€ fin 2012 aÌ€ 310% actuellement et elles sont fragilisées par le recours à la finance paralleÌ€le.
Le FMI relève bien que “la santeÌ des banques d'importance systeÌmique mondiale (BISM) continue de s'ameÌliorer” mais pour nombre d’entres elles (représentant preÌ€s d'un tiers de l'actif total des BISM, soit environ 17.000 milliards de dollars) pourraient continuer de geÌneÌrer des rendements non viables jusqu’en 2019.
Les risques et les facteurs d’instabilité sont donc nombreux dans un environnement qui reste vulnérable. D’autant que l’augmentation de la dette des ménages depuis la crise financière peut avoir aussi des répercussions à court et moyen termes sur la croissance mondiale et la stabilité financière. Si le ratio dette des meÌnages/PIB varie beaucoup d'un pays aÌ€ l'autre, “il preÌsente partout une trajectoire aÌ€ la hausse qui a eÌteÌ atteÌnueÌe, mais pas inverseÌe, par la crise financieÌ€re mondiale”. Dans les pays avanceÌs, à quelques exceptions près, le ratio est passé de 35%, en 1980, aÌ€ environ 65 % en 2016. Dans les économies émergentes, il a grimpé de 5% en 1995, aÌ€ environ 20% l’an dernier, chiffre le FMI.
L’institution relève d’ailleurs dans son scénario catastrophe que les pays eÌmergents “seraient toucheÌs de façon disproportionneÌe”, car ils subiraient une très forte baisse des flux de portefeuille (estimeÌe aÌ€ 100 milliards de dollars sur quatre trimestres).
Finalement, si l’environnement du système financier actuel est sans précédent, le déroulement du scénario de crise tel que présenté par le FMI est relativement classique. Ce rapport de l’institution internationale fait d’ailleurs écho aux récentes déclarations de Wolfgang Schäuble, l’ex-ministre des finances allemand, dénonçant l’emballement de la dette mondiale et les risques de formation de nouvelles bulles, susceptibles de provoquer une crise d’envergure planétaire.