La Belgique accepte la demande d’extradition d’un réfugié politique turc
Le militant révolutionnaire antifasciste turc, Erdal Gökoglu, a comparu devant le Tribunal de Liège mardi 28 novembre. La justice belge a accepté la demande d’extradition faite par l’Allemagne.
En vertu d'un mandat d’arrêt international émis par l’Allemagne, Erdal Gökoglu est emprisonné depuis le 13 novembre à la prison de Lantin à Liège en Belgique. Reconnu réfugié politique en 2007, il vit pourtant dans le pays depuis 2002.
Mardi a eu lieu une première audience au palais de justice de Liège où de lourdes mesures de sécurité avaient été prises à l’encontre d’Erdal Gökoglu. Entouré par huit policiers cagoulés tel un dangereux terroriste, il est arrivé au Tribunal menotté à une ceinture spéciale qu’il portait sur lui.
Jusqu’ici ignorées, les raisons de la demande d’extradition ont enfin été exposées. Ressort la sempiternelle accusation, comme pour tous les opposants au régime du président turc, d’être membre du DHKP-C, Parti-Front révolutionnaire de libération du peuple, classé comme organisation terroriste. Et ceci basé uniquement sur trois points : avoir distribué la revue YürüyüÅŸ ; avoir organisé trois grands concerts de Grup Yorum, le groupe de musique contestataire du gouvernement turc. Et enfin, être intervenu lors d’une conférence à l’Université de Berlin pour alerter sur les pratiques de la torture dans les prisons de Turquie.
Comment alors expliquer les dispositions prises à l’encontre d’Erdal Gökoglu ? Comment ne pas se questionner sur le fait que la Belgique, qui le recueille sur son sol depuis 2002, accepte soudainement cette demande d’extradition pour des raisons qui vraisemblablement n’en sont pas ? Car ces actes qui lui sont reprochés paraissent incontestablement mineurs pour justifier d’une quelconque appartenance à une organisation terroriste !
Il est également important de rappeler que certaines des conditions d’incarcération d’Erdal Gökoglu depuis le 13 novembre peuvent aisément s’apparenter à des traitements dégradants si l’on se réfère aux quatre premiers jours d’emprisonnement où il a été laissé nu dans une cellule puis dans l’obligation par la suite de porter l’uniforme carcéral.
Le 29 novembre, le Tribunal de Liège a accepté la demande d’extradition émise par l’Allemagne en arguant du fait que « le dossier pourrait contenir plus d’éléments ». La défense a fait appel de cette décision et une deuxième audience aura lieu dans deux semaines.
De multiples questions se posent face à l’acceptation de la Belgique d’extrader Erdal Gökoglu. Car cette situation se produit en Europe, entre deux pays qui s’enorgueillissent de défendre les droits de l’homme et de dénoncer les traitements inhumains ou dégradants. Mais il est vrai certes que l’Allemagne n’en est pas à sa première arrestation de révolutionnaires turcs ! En effet, sous couvert de respecter la Loi 129b qui lui permet de juger des militants contestataires pour « appartenance à une organisation terroriste », même si celle-ci n’est pas considérée comme telle en Allemagne, le gouvernement allemand semble jouer le jeu de la justice turque en utilisant cette loi pour réprimer essentiellement les opposants au régime du président Erdogan.
On peut toutefois se demander pourquoi la Belgique qui semblait jusqu’ici rester garante des droits fondamentaux édictés par la charte de l’Union européenne décide subitement de bafouer ces mêmes droits en coopérant avec l’État Allemand pour permettre l’arrestation des militants contre le régime répressif de la Turquie.
Béatrice Taupin
Dogan Presse Agence