Gagarine : Une navette sociale

Premier long métrage de Fanny Liatard et Jérémy Trouilh, "Gagarine" évoque la démolition annoncée de la cité Gagarine d’Ivry-sur-Seine en 2019. Le film raconte l’histoire d’un de ses jeunes habitants.

"Gagarine", nous fait penser instinctivement au nom du cosmonaute soviétique, premier être humain à avoir effectué un vol dans l’espace. Mais au-delà de l’aspect historique de cette expédition qui a eu lieu durant la guerre froide, il s’agit d’une avancée scientifique sans précédent pour l’Homme qui dépasse, pour la première fois, les limites de la gravité. Gagarine c’est aussi le nom d’une cité communiste française en région parisienne (Ivry-sur-Seine) qui a été imaginée en 1961 par les architectes Henri et Robert Chevallier et qui a été détruite en 2019.

Le film "Gagarine", de Fanny Liatard et Jérémy Trouilh, nous transporte, dès les premières minutes, dans l’atmosphère des quartiers de la ceinture rouge par des images d’archives d’inauguration de la cité par Youri Gagarine en 1963. Puis, on découvre le personnage principal, Youri, un jeune homme rêveur, passionné d’astronomie qui vit seul, car son père est parti et sa mère s’est remariée. Son ambition est d’empêcher la destruction inévitable de la cité dans laquelle il a grandi et construit un attachement viscéral. C’est donc un héros déterminé qui se bat pour sauver le vivre ensemble et l’esprit de solidarité qui règne autour des bâtiments abritant 380 familles.

Ce premier long métrage n’est pas un film sur la banlieue avec ses clichés, il s’agit d’une représentation imagée d’une cité qui est progressivement personnalisée, voire humanisée. Chaque mur, chaque porte, chaque couloir prend vie pour former le squelette d’une condamnée à mort. Youri (Alseni Bathily) va demander de l’aide à ses amis Diana (Lyna Khoudri révélée dans "Papicha") et Houssam (Jamil McCraven) afin de rénover la cité Gagarine par tous les moyens. Ils vont donc faire des plans, changer les ampoules des parties communes pour éviter d’accélérer le départ des familles mêmes si certaines qui sont là depuis les années 60 n’attendent que d’être relogées dans de nouveaux immeubles.

Youri quant à lui, tient tête et refuse de partir. Il reste seul alors que la cité cosmopolite se vide de ses habitants. Comme s’il était le dernier survivant d’un naufrage, il décide de construire un vaisseau spatial au sein de Gagarine avec tout ce qu’il peut trouver dans les appartements. Il crée donc un véritable microcosme dans lequel il invite Diana. Une ébauche d’histoire d’amour naît. L’hiver est rude et le héros de "Gagarine" trouve la force de résister au froid dans sa fusée précaire. Diana rêve d’aller aux États-Unis. Elle veut voyager, tandis que Youri reste attaché à sa cité. Mais les deux personnages sont liés par la même envie de sauvegarder ce qui constitue leur richesse : l’amour de l’autre.

L’image de ce drame est flamboyante : on passe de couleurs solaires à des couleurs plus froides qui font penser à la Voie lactée. La bande originale est tout aussi éclectique : on passe du classique Serge Gainsbourg (Aux armes et caetera) à l’hindi rap de The Streets (On the flip of a coin). Ce film véhicule des valeurs de tolérance et d’entraide. Il sait aussi mélanger les genres du drame réaliste et de la science-fiction. Aujourd’hui la cité Gagarine n’existe plus, mais son âme continue de survoler la ville. Les réalisateurs ont raconté une épopée sociétale pour que la cité ne soit plus un mythe et que son nom s’inscrive dans la mémoire des générations.

Par Zahra Mahi


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