En Italie, le maire de Riace condamné à une lourde peine de prison
Crise migratoire : en Italie, le maire de Riace condamné à une lourde peine de prison
Domenico Lucano, le maire qui a fait renaître un petit village de Calabre en y accueillant des dizaines de migrants, a écopé de treize ans et deux mois de prison, à la grande satisfaction de l’extrême-droite italienne.
En réclamant six ans de réclusion à l’encontre de Domenico «Mimmo» Lucano, l’ancien maire de Riace, célèbre pour avoir transformé son petit village de Calabre en refuge pour les migrants, le procureur de Locri avait demandé une punition exemplaire. Allant bien au-delà de la requête de la magistrature, le tribunal a finalement condamné l’ancien élu de gauche à treize ans et deux mois de réclusion.
Un verdict de plomb réservé généralement aux complices de Cosa nostra ou aux grands criminels. Mimmo Lucano était, lui, accusé d’escroquerie, d’abus de biens sociaux, de fraude aux dépens de l’Etat et d’aide à l’immigration clandestine. Dans son petit bourg méridional de 1 900 âmes, il se serait notamment passé d’appel d’offres pour attribuer la gestion des ordures ou encore aurait organisé des «mariages de convenance» afin d’aider des femmes déboutées du droit d’asile à rester en Italie. Alors que «l’enrichissement personnel» a été exclu par les enquêteurs, il a été également condamné à restituer 500 000 euros reçus de l’Union européenne et du gouvernement italien.
«Sentence extravagante»
«C’est extrêmement dur», a commenté l’intéressé à l’annonce de la sentence. «J’ai passé ma vie à défendre des idéaux, à me battre contre les mafias. Je me suis toujours mis du côté des déshérités, des réfugiés qui ont débarqué. J’ai imaginé que je pouvais contribuer à la rédemption de ma terre. Je dois prendre acte que c’est fini.» Ses avocats ont immédiatement annoncé qu’ils feraient appel, en dénonçant «une sentence extravagante et exorbitante qui contraste totalement avec les évidences du procès».
Dans son livre autobiographique publié l’an dernier (Grâce à eux, comment les migrants ont sauvé mon village, ed. Buchet Chastel), Domenico Lucano avait admis avoir pu commettre des erreurs bureaucratiques mais il s’étonnait : «Comment était-il possible que, de notre action, les institutions ne retiennent que les petites irrégularités administratives ? Comment pouvait-on passer sous silence tous les points forts de notre projet, ceux-là mêmes qui l’avait fait qualifier de «modèle» par tant de personnes en Italie et au delà ?» A partir de sa première élection en 2004, Riace est en effet devenu un exemple d’intégration, l’arrivée de centaines de migrants permettant de relancer le développement et les emplois du village dépeuplé. Ce qui a déclenché les foudres de l’extrême-droite, le leader de la Ligue Matteo Salvini traitant Lucano de «zéro» et repoussant l’idée que «le développement des villages de Calabre, de Sardaigne ou de Lombardie à travers l’immigration de masse soit un futur pour l’Italie».
Dans son réquisitoire au procès, le procureur avait cherché à éviter le terrain politique : «Ceci n’est pas le procès à l’objectif noble et réel de l’accueil. […] L’enquête a concerné la mauvaise gestion des projets d’accueil et les vraies victimes sont les immigrés eux-mêmes, vu qu’ils n’ont reçu que les miettes des financements de l’Etat.» Mais la peine démesurée rendue jeudi a immédiatement ranimé la bataille entre la gauche italienne, qui défend l’ancien maire de Riace, et la droite xénophobe. Des mobilisations en soutien à Mimmo Lucano sont prévues dans les prochains jours. «La gauche présente des candidats qui sont condamnés à treize ans de prison», a de son côté ironisé Matteo Salvini en référence aux élections régionales de Calabre de ce week-end, où l’ancien édile de Riace est tête de liste.