« Espionnes », sur BrutX : quatre drôles de dames se confient sur leur passé dans les services secrets

Flore Rebière, ancienne de la DGSI, est allée à la rencontre de trois collègues de services secrets étrangers.

Le grand-père de Flore Rebière était espion. C’est peut-être ce qui l’a poussée à s’engager dans l’Ecole de police à 19 ans. Peut-être aussi ce qui a incité la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) à la recruter. Elle va ainsi travailler quatre ans pour les services secrets français, avant d’en partir en mai 2017, afin de recouvrer sa liberté – de danser, d’enregistrer des podcasts, d’écrire des scénarios…

Liberté de coréaliser Espionnes. Car, contrairement à son grand-père, qui n’a jamais « dit grand-chose » sur son métier, se souvient la femme âgée aujourd’hui de 36 ans, elle souhaite en parler. Mais pas toute seule. Aussi a-t-elle convié trois collègues, de nationalités différentes : Elena Vavilova, ex-agente dormante du KGB, Annie Machon, ancienne du MI5, et Huda Mukbil, des services canadiens.

Chacune va lui raconter son parcours, ses peurs, ses mensonges, « preuves » à l’appui : des photos personnelles, des images d’archives, certaines ayant fait la « une » de l’actualité. Passé les premiers instants de doute, tant la réalité diffère de la fiction, on se laisse embarquer dans leurs conversations, bientôt complices.
« Ennemi d’Etat »

Dans le contexte international actuel, marqué par la guerre en Ukraine, le témoignage d’Elena Vavilova captive d’emblée. Notamment lorsque cette native de Tomsk, en Sibérie, évoque la propagande soviétique en vigueur quand elle était étudiante : « On pensait que les Etats-Unis étaient le pays qui exploite les travailleurs. Alors que nous [en Russie] recevions plus de privilèges. »

Autre surprise : son silence sur son métier d’agente dormante. Recrutée à 19 ans, elle ne se confiera qu’à son mari, Andrej, également espion, avant de partir avec lui et leurs deux fils en mission aux Etats-Unis. « Tu n’as rien dit même à tes enfants ?, interroge Flore Rebière. Moi, je n’aurais pas pu… » L’aîné découvrira sa véritable identité le jour de ses 20 ans, lors de l’arrestation de toute la famille – leur histoire a d’ailleurs inspiré la série The Americans (« Les Américains »), sur Netflix.

Diplômée de lettres classiques à Cambridge à 20 ans, Annie Machon rêvait quant à elle d’être diplomate, de parcourir le monde. Parallèlement, alors que les attentats de l’Armée républicaine irlandaise (IRA) se multiplient au début des années 1990, les services britanniques recherchent une nouvelle génération d’espions pour renforcer le contre-terrorisme.

Annie Machon y travaillera environ une décennie – sans plus de précision – au cours de laquelle elle rencontrera son mari, David Shayler. Néanmoins, elle n’apprécie pas les méthodes inquisitrices du MI6, qu’elle dénoncera plus tard. Conséquence, le couple devient de fait un « ennemi d’Etat ».

Dernière de ces drôles de dames, Huda Mukbil avait 4 ans lorsque sa famille a décidé de fuir son Ethiopie natale, d’abord vers l’Egypte puis au Canada, où elle s’installe. A 16 ans, elle parle ainsi quatre langues (dialecte éthiopien, arabe, anglais et français canadien), ce qui lui vaut d’être repérée puis embauchée par les « services » canadiens en 2002, juste après les attentats du 11 septembre 2001.

Son choix, peu de temps après, de porter le hidjab va tout compliquer. Son accès à certains dossiers est bloqué. Elle choisit toutefois de se défendre. Visiblement, cela lui fait du bien de se confier. Entre espionnes, on se comprend.

Par Catherine Pacary


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