Jeux olympiques de Paris 2024 : la facture fait un bond de 10 %

Comme redouté, le coût des JO s’éloigne un peu plus des projections initiales : le Conseil d’administration du Cojo a validé lundi la nouvelle facture, réévaluée à 4,38 milliards d’euros contre 3,98 milliards lors de la dernière révision soit en hausse de 10 %.

La hausse était attendue. La voilà confirmée et validée. Ce lundi, le conseil d’administration du Cojo, le Comité d’organisation des JO de Paris 2024, a entériné une nouvelle enveloppe budgétaire en hausse de 10 % – soit une augmentation de 400 millions d’euros. «L’adoption de ce budget, qui intègre toutes les évolutions identifiées des coûts de livraison, conforte l’ambition du projet», indique Paris 2024, selon qui ce nouveau plan de finances permet «de basculer sereinement dans la phase de livraison opérationnelle de l’évènement».

La note totale s’établit désormais à 4,38 milliards d’euros, dont 96 % d’origine privée (recettes des sponsors, billetterie et contribution du CIO), contre 3,98 milliards lors de la dernière révision. Lors de la candidature, le budget du Cojo avait été estimé à 3,3 milliards d’euros. Lorsque l’on y ajoute le budget de la Solideo (société de livraison des ouvrages olympiques) chiffré pour le moment à 4,3 milliards d’euros (dont 1,87 milliard de deniers publics), cela donne une facture – 8,7 milliards d’euros – largement au-dessus des projections initiales en 2019, qui tablaient sur 6,8 milliards. L’inflation rythmée par le conflit en Ukraine a compliqué les choses. «Ils n’étaient pas très en avance et la conjoncture s’est détériorée, s’ils avaient signé leurs contrats avant, ils auraient échappé à ça», explique une source proche du mouvement olympique. L’inflation compte pour près de la moitié dans la hausse, avec 120 millions d’euros pour cette année et 75 millions d’euros pour 2023 et 2024, détaille le Cojo.

Mauvais calculs

L’inflation seule n’explique pas cette nouvelle addition. Plusieurs personnes au sein de l’institution évoquent un budget «sous-dimensionné», dont certains secteurs augmentent régulièrement. Les organisateurs avaient planifié 195 millions pour la sécurité. Ils ont été réévalués à 295 millions en 2020, puis 320 millions aujourd’hui à mesure que le dispositif grossit, dont entre 10 et 15 millions alloués à la cybersécurité. Idem pour la cérémonie d’ouverture (+30 millions, 130 millions au total pour les quatre shows).

La ministre des Sports et des Jeux olympiques, Amélie Oudéa-Castéra, a évoqué «la complexité de cahiers de charge un peu sous-estimés». Dit autrement : les contrats sont plus onéreux que prévu. L’idée d’externaliser et de confier à des tiers la réalisation des épreuves, soit l’essence même d’un comité d’organisation, n’a pas fonctionné comme prévu. Plusieurs prestataires attendus ont jeté l’éponge sous le poids des contraintes du CIO ou de craintes liées à la responsabilité juridique. Entre-temps, les semaines ont défilé et les prix ont grimpé.

Il est reproché au Cojo d’avoir mal dimensionné la masse salariale autour de l’événement. Cette dernière n’est pas bien stabilisée, avec «des métiers en tension» dans l’événementiel sportif qui peuvent marchander cher leur arrivée à moins de deux ans du rendez-vous. Le comité a d’ailleurs recruté un directeur exécutif des opérations en la personne d’Edouard Donnelly, venu du monde de l’évènementiel «un peu en pompier», croit savoir une source proche du monde olympique, afin de régler ces dossiers.

Pour compenser ces dépenses toujours plus coûteuses, deux éternelles options : faire des économies et trouver des recettes. Le Cojo a travaillé «main dans la main avec le CIO» pour resserrer le tout par petites touches, comme retarder l’ouverture du village olympique ou celle des sites d’entraînements, réduire les places des officiels et des médias pour engranger plus de billets payants. Les recettes de billetterie doivent apporter plus d’argent (+143 millions) via la mise en vente de davantage de billets, certains plus chers, pour certaines épreuves, a concédé le président du Cojo, Tony Estanguet, lors d’un point presse le 2 décembre.

Côté sponsors, Estanguet assure que «les recettes commerciales sont en hausse de 127 millions d’euros par rapport aux objectifs» que Paris 2024 s’était fixés (1,2 milliard d’euros de revenus). Le chef de file estime être «en avance» concernant les signatures de contrats avec les sponsors. Il manque encore un partenaire de rang 1. Depuis plusieurs mois, on annonce LVMH mais les négociations s’étirent, notamment en raison de la volonté du groupe de luxe de bénéficier d’une exposition plus large, selon plusieurs sources proches des négociations. Tony Estanguet a aussi indiqué que l’Etat «se mobilise pour aller chercher de nouveaux partenaires en 2023».

Une source proche du Cojo a toutefois dit auprès de l’AFP que «contrairement à ce qu’ils disent, ils sont vraiment à la bourre» sur ce point. Paris 2024 vient par ailleurs de débloquer 115 millions d’euros dans la réserve pour aléas. Reste encore un ultime matelas de 200 millions d’euros en cas de coup dur, mais pas plus.

111 millions d’argent public

Le CA devait par ailleurs statuer sur un autre axe stratégique, plus inattendu : l’Etat, qui répète régulièrement que «les Jeux financent les Jeux», va lui aussi contribuer au pot commun via les collectivités locales, en particulier la Métropole du Grand Paris et la mairie de Paris. Au total, on parle d’environ 111 millions d’euros d’argent public, qui font passer la part de contributions publiques au sein du budget du Cojo «de 3 à 4 %», précise Tony Estanguet.

Dans le détail, 71 millions d’euros viendront s’additionner aux 100 millions d’euros d’argent public budgétés pour les Jeux paralympiques, ainsi que 12 millions pour du matériel sportif qui pourra ensuite être reversé à des associations. Huit millions seront consacrés à équiper le nouveau laboratoire antidopage et cinq millions pour les voies olympiques. La métropole ajoute aussi 15 millions d’euros pour des «aménagements», sans plus de précisions. Le directeur de cabinet d’Amélie Oudéa-Castéra a présenté ces nouvelles dotations comme pouvant servir au-delà des Jeux.

La douloureuse confirmée ce lundi devrait échauder un peu plus les opposants aux Jeux. La veille, plusieurs dizaines de personnes s’étaient rassemblées devant le siège de Paris 2024, à l’appel de plusieurs collectifs anti-JO, pour dénoncer les dérapages liés à l’organisation de l’événement. Des actions qui pourraient être amenées à se répéter, si Paris 2024 ne maintient pas la ligne.

par Romain Métairie


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