Seuil critique atteint pour les prisonniers palestiniens en grève de la faim
Depuis le 17 avril, 1 500 prisonniers palestiniens en Israël ont lancé une grande grève de la faim pour protester contre leurs conditions de détention qui vont à l’encontre des règles établies par les Droits de l’Homme. Depuis mercredi, plus de mille d’entre eux entament leur deuxième mois de grève atteignant ainsi un stade critique pour leur santé.
Un rassemblement lancé conjointement par l’association France Palestine Solidarité et de nombreuses associations du CNPJDPI (Collectif national pour une paix juste et durable entre Palestiniens et Israéliens) a eu lieu aujourd’hui à Paris, pour les soutenir dans leur lutte.
Jeudi 18 mai, 17 h 30, sortie du métro Invalides à Paris. Choisi pour sa proximité avec le ministère des Affaires étrangères, un rassemblement s’y est tenu jusqu’à 19 h en soutien aux prisonniers palestiniens en grève de la faim depuis le 17 avril dernier. Plusieurs représentants d’associations étaient présents, mais aussi de la CGT, du Parti Communiste ainsi que des élus locaux comme le maire de Gennevilliers dans les Hauts-de-Seine ou la veuve de Stéphane Hessel, ambassadeur et ancien résistant français. Tous étaient présents pour lancer un appel face à l’urgence de la situation, pour interpeller les médias et les différents acteurs politiques afin que soient enfin entendu les cris d’alerte des prisonniers palestiniens. Car, si selon l’ONU, « les grèves de la faim constituent une forme non violente de protestation utilisée par des individus qui ont épuisé d’autres formes de protestation visant à mettre en évidence la gravité de leur situation », face à la répression virulentes de la part des autorités israéliennes, leur combat ne pourra obtenir gain de cause sans l’intervention de la communauté internationale.
Les palestiniens incarcérés sont à leur 32ème jour de grève de la faim et ils ont entamé aujourd’hui la grève de l’eau et du sel, seuls ingrédients leur permettant de rester en vie... Un nouveau cap est franchi dans la lutte pour la dignité !
Cet appel à la grève a été lancé par Marwan Barghouti, qualifié par beaucoup de « Mandela palestinien », haut cadre du Fatah, condamné il y a 15 ans par Israël à cinq condamnations à perpétuité pour des attentats meurtriers durant la seconde intifada en Cisjordanie.
Depuis l’occupation de leurs territoires en 1967, 850 000 personnes ont été emprisonnées par Israël. Et actuellement, 6 500 palestiniens sont incarcérés dans les prisons de l’État hébreu et parmi eux, 300 enfants, 57 femmes, 13 membres du parlement palestinien et 500 détenus administratifs.
Ces grèves de la faim ont été initiées dans le but de revendiquer de meilleures conditions de détention sans torture, ni mauvais traitements. Les prisonniers réclament également une augmentation du nombre de visite de leurs familles qui, depuis un an, ont été réduites à une par mois ainsi que l’autorisation de recevoir celles de la Croix-Rouge. Les négligences médicales doivent également prendre fin et il est indispensable qu’ils puissent bénéficier des soins auxquels ils ont droit. Ils veulent également avoir accès aux livres et à des téléphones publics. Enfin, ils réclament l’abandon des détentions administratives où l’emprisonnement a lieu sans procès ou accusation et est renouvelable indéfiniment.
Des actions de soutien sont menées dans certains pays, mais face à la dégradation de l’état de santé d’un certain nombre de grévistes, il devient urgent de faire pression sur le gouvernement Israélien.
« Droit humain fondamental »
Que subit le corps pendant une grève de la faim ? Après quelques jours, il puise dans ses réserves de graisse. Au bout d'un mois, la graisse étant épuisée, il consomme ses propres protéines, c'est-à-dire les muscles, puis les organes, tout en essayant de préserver le cerveau, le foie, les reins et le cœur. « Dans une grève de la faim, on se mange soi-même », dit Zeratzion Hishal, praticien érythréen auprès de la Croix-Rouge internationale. Au bout d’un mois, la perte de poids peut atteindre 20% et nécessiter une hospitalisation. Un certain nombre de prisonniers ont déjà atteint le seuil critique et, selon le New York Times, une partie aurait été déplacée dans une aile spéciale de la prison afin de recevoir un suivi médical. Le Comité palestinien pour les affaires des prisonniers a également déclaré que, dès la deuxième semaine, l’état de santé de certains détenus a nécessité leur transfert dans les hôpitaux et cliniques pénitentiaires.
Pour faire face à cette situation, l’État israélien a envisagé de nourrir les prisonniers sans leur autorisation transgressant ainsi le droit international qui stipule que la pratique de l’alimentation forcée est apparentée à de la torture. En effet, il s’agit d’insérer un tube par le nez jusqu’à l’estomac, pouvant provoquer ainsi des lésions graves sur les parois de l’œsophage et dans l’estomac. Il est également à craindre, lorsque de la nourriture ou du liquide pénètrent dans les poumons, l’apparition d’inflammations aigües qui provoquent la mort à plus ou moins court terme.
Face au refus de l’Ordre des médecins israéliens de se soumettre à ces pratiques, l’État hébreu tente de faire appel à des médecins mercenaires internationaux prêts à outrepasser leurs droits. Les aspects juridiques de ce plan sont actuellement à l’étude et une discussion est en cours avec le ministère israélien de la Santé.
L’ordre des médecins palestiniens a lancé un appel auprès des associations médicales, de l’union des médecins arabes ainsi que des ONG de droit humain locales, arabes et internationales afin de s’opposer à ce projet de contourner le refus de l’Ordre des médecins israéliens et de transgresser la déclaration de Malte de 2006 qui stipule qu’il est interdit de forcer les prisonniers à se nourrir.
Soutien amplifié mais insuffisant
Plusieurs actions solidaires ont eu lieu en Afrique. Dimanche soir, le vice-président d’Afrique du Sud, Cyril Ramaphosa, a entamé une grève de la faim de 24 heures en ne consommant que de l’eau salée, à l’instar des prisonniers palestiniens. Cette initiative a également être reprise lundi par d’autres personnalités politiques sud-africaines. Et pour le Congrès national africain (ANC, parti au pouvoir) ce modèle « porte les caractéristiques de l’apartheid en Afrique du Sud ».
Mardi, le Sénégal a également manifesté son soutien aux détenus. Dans l’enceinte de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, une rencontre a eu lieu sur appel de la Compagnie sénégalaise pour la libération des prisonniers palestiniens et le Collectif de solidarité Sénégal-Palestine. Selon les membres de ces deux organisations, « la grève de la faim s’inscrit dans le contexte de dénoncer des violations graves et systématiques exercées sur les droits des détenus, à travers l’occupation israélienne, au mépris des conventions de Genève ».
En Palestine également, les initiatives se multiplient. Mercredi, une manifestation s’est déroulée à Ramallah en Cisjordanie et force est de constater que la tension monte dans la région, quelques jours avant l’escale du président américain, Donald Trump. Dans cette partie du territoire occupé, la jeunesse palestinienne a pour habitude de se rassembler au check-point nommé « DCO », pour y affronter, à coup de pierres, l’armée israélienne qui riposte avec des tirs de balles en caoutchouc et parfois de balles réelles. Ces heurts ont malheureusement déjà provoqués plusieurs dizaines de blessés.
Mercredi également, au check-point de Hawara, lors d’une manifestation de soutien aux prisonniers en grève de la faim, un jeune de 23 ans, Moataz Bani Chemseh, a été atteint mortellement à la tête par un colon. Les nombreux soldats israéliens présents ont également ouvert le feu et un photographe de l’agence de presse américaine Associated Press a été blessé.
Un nouvel appel à manifester a été lancé ce jeudi 18 mai en Palestine.
On peut désormais dénombrer plus d’une centaine de manifestations à travers toute la France, beaucoup en Palestine et quelques unes dans d’autres pays dont certaines en Afrique. Face à l’urgence de la situation, il est indispensable de se mobiliser afin que les principes fondamentaux des droits de l’Homme ne soient plus bafoués pour les prisonniers palestiniens incarcérés en Israël. Trente-deux jours après l’appel à la grève de la faim, la communauté internationale se doit d’agir dans les meilleurs délais afin que les conditions de Genève soient enfin respectées par l’État israélien. N’oublions pas que l’appel lancé par les palestiniens incarcérés est celui de « la liberté et dignité », droit fondamental et non négociable pour tout être humain.
Béatrice Taupin
Dogan Presse