Faut-il mourir pour obtenir le droit de communiquer dans sa langue maternelle ?
Depuis le 30 mars, Yusuf Tas, prisonnier politique turc en Allemagne, a entamé une grève de la faim afin de pouvoir communiquer dans sa langue maternelle.
Yusuf Tas, est un militant turc de gauche. Durant sa jeunesse déjà, et suite à des poursuites dues à leur appartenance religieuse, et en l’occurrence à la minorité chrétienne, sa famille avait dû quitter le pays pour s’installer en Autriche.
Il a commencé alors à s’engager socialement puis politiquement luttant contre les violations des Droits de l’Homme en Turquie ainsi qu’à toutes formes de discrimination et de racisme en Europe.
Un accord passé entre les autorités turques et l’Allemagne a conduit à son arrestation en Autriche en juin 2013, accord qui a ensuite permis son extradition vers l’Allemagne. Lors de son procès au Tribunal régional supérieur de Stuttgart, il fut accusé d’activités culturelles et politiques illégales et en violation avec la constitution ainsi que d’appartenance au DHKP-C (Parti-Front de libération révolutionnaire du peuple), organisation considérée comme terroriste par le gouvernement turc. Condamné à six ans de détention, il est actuellement incarcéré à la maison d’arrêt de Heimsheim.
Depuis le 31 mars dernier, il a entamé une grève de la faim pour protester contre ses conditions de détention. En effet, il doit faire face à des moyens de communication drastiques où toute correspondance dans sa langue maternelle lui est interdite. Il lui est défendu d’écrire ou de téléphoner en turc, que ce soit à son avocat, à sa famille ou à ses amis.
Cette mesure serait expliquée par des restrictions budgétaires en raison de la crise financière, où l’administration de la prison n’aurait pas les moyens de prendre à sa charge les frais de mesures de surveillance et dans le cas présent, un traducteur pour des courriers écrits en turc.
Mais est-il besoin de rappeler que la communication dans sa langue maternelle est un droit fondamental ?
Cependant, la dégradation de l’état de santé de Yusuf Tas a nécessité son transfert à l’hôpital correctionnel de Hohenasperg à Asberg. Sa famille et un comité de solidarité craignent maintenant pour son état physique. Il a perdu plus de 20 kilos et sa santé a atteint un seuil critique. De surcroît, depuis son hospitalisation, il doit également lutter contre des tentatives d’alimentation forcée. Or ces mesures qui transgressent le Droit international peuvent engendrer des dégâts physiques majeurs ainsi que des dommages irréversibles voire fatals.
Mais Yusuf Tas résiste pour obtenir le droit illimité de communiquer par écrit, ou via des appels téléphoniques ainsi que le droit à la lecture. En revanche, il s’oppose à toute mesure de contrainte, ainsi qu’à toute tentative d’alimentation forcée.
Le silence des médias allemands sur ce sujet reste pour le moins surprenant alors que la vague de répressions massives qui a court actuellement en Turquie fait les gros titres de la presse nationale... Point n’est besoin de rappeler que la grève de la faim de Yusuf Tas n’a uniquement pour but que de faire respecter des droits fondamentaux qui ont été bafoués, que ces mesures enfreignent les Droits de l’Homme des Nations-Unies, qu’elles doivent être au plus vite rétablies car il y va de la survie d’un être humain et que l’Allemagne, qui de plus a signé la Convention européenne des droits de l'Homme, ne peut en aucun cas s’y soustraire...
En soutien à Yusuf Tas et contre les répressions en Turquie, une manifestation silencieuse aura lieu mardi 30 mai à 18 heures devant le Parlement Autrichien.
Béatrice Taupin
Dogan Presse