Le peuple marche pour revendiquer la justice et la liberté

En soutien à la grande Marche pour la Justice de Turquie, différentes manifestations de solidarité internationale se sont mises en place autour de l’opposition turque. 8 Juillet, à 13 heures, le Collectif de Strasbourg- Marche pour la Justice en Turquie a quitté la place Kléber pour marcher afin que la liberté et la justice redeviennent des valeurs reconnues dans le pays.

Tout a commencé avec la tentative de coup d’état de juillet 2016 où des vagues massives de purge ont eu lieu afin de réprimer toute opposition au pouvoir en place. S’en est suivi plus de 120 000 licenciements parmi les employés de l’administration, du secteur privé, de l’éducation nationale, de la justice, de la presse… Un grand nombre d’Organisations non gouvernementales ont été démantelées. Et aujourd’hui, presque 50 000 de personnes sont incarcérées. Car en Turquie, s’opposer relève de l’outrage à la Nation et résister est apparenté à un acte terroriste !

Puis il y a eu le référendum du 16 avril 2017 où tous les moyens ont été mis en œuvre pour que le « oui » soit majoritaire. Où le référendum constitutionnel qui a octroyé tous les droits au président Recep Tayyip Erdogan a officialisé une impunité dont il n’était déjà pas dépourvu.

Deux symboles de la résistance populaire
Parmi les milliers de personnes qui subissent ces répressions, deux sont devenues les icônes de la résistance populaire. Nuriye Gülmen et Semih Özakça, enseignants, ont été licenciés par décret en novembre 2016. Ils ont toujours manifesté de façon pacifique pour récupérer leur emploi et pour lutter contre les oppressions en cours. Puis, le 11 mars, ils ont décidé d’entamer une grève de la faim. Chaque jour, des centaines de personnes les rejoignaient devant le monument aux Droits de l’Homme à Ankara et diffusaient sur les réseaux sociaux les images de leur « sit-ins » et de leur mobilisation. Le calme n’était troublé que par les interventions répétées de la police qui se terminaient parfois par des mises en garde à vue. Cependant rien n’a jamais pu effacer leurs sourires, garants de la légitimité de leur combat. Et suite à une perquisition plus que musclée le 22 mai à minuit, ils ont été emprisonnés le lendemain mais n’ont pas pour autant mis fin à leur grève de la faim. Cependant, leur état de santé a atteint un seuil critique et leurs jours désormais sont en danger.

Marcher pour se faire entendre
Et il y a également la grande Marche pour la justice de Turquie initiée par Kemal Kiliçdaroglu, le chef du Parti républicain du peuple (CHP), principal parti d’opposition au gouvernement en place. En effet, depuis le 15 juin, des milliers de personnes parcourent à pied les 400 kilomètres qui séparent la capitale, Ankara, de Maltese, proche d’Istanbul, devant la prison où est incarcéré Anis Berberoglu, député de ce parti et condamné à 25 ans de prison pour avoir « dévoilé des secrets d’État »… Mais la symbolique de cette marche est de plus grande envergure : le seul mot d’ordre scandé depuis les premiers pas, Adalet (justice en turc), rappelle, à qui ne veut pas l’entendre, que l’objectif est de revendiquer la libération des otages politiques et plus généralement de rétablir la justice dans le pays.

Lorsque le pouvoir censure par la violence, lorsque le discrédit est jeté sur l’intelligence, l’instruction et l’érudition, alors on peut affirmer qu’une certaine forme d’obscurantisme est en train de voir le jour. Tel est le nouveau visage de la Turquie depuis plusieurs mois déjà. L’opposition à la diffusion du savoir devient une arme pour museler les populations. L’éducation, l’information, la culture et l’art subissent un contrôle absolu de l’État. Sous couvert d’imposer un pouvoir sans faille dans le pays, la dignité humaine et le respect entre les hommes sont devenues deux notions totalement abstraites. Car le refus d’adopter un comportement progressiste, ouvert et tolérant est clairement énoncé par le gouvernement turc. Une autorité raciste élitiste, fasciste à l’égard du peuple est en train de se mettre en place. Car le président ne se contente pas de régner tel un sultan. Il impose par la force. Le peuple doit se soumettre ou être emprisonné, voir décimé si besoin est. Le rêve néo-ottoman du président Erdogan représente un danger imminent pour le peuple turc qui, inexorablement, est en train de perdre ses droits fondamentaux à la liberté, à la justice et à la paix. Avec la politique impérialiste qui est en train de s’amplifier, le despotisme qui piétine les forces du progrès, du renouveau et de la liberté constitue une menace pour la Turquie qui fut pourtant durant plusieurs siècles, le modèle de cohabitation entre islam et démocratie.

Alors, pour combattre la domination de l’État, certains se privent de manger au péril de leur propre vie, d’autres marchent. Certains continuent à manifester en arpentant jour après jour le boulevard Yüksel à Ankara et en subissant systématiquement les assauts de plus en plus violents de la police. Et il y a ceux et celles qui diffusent sur les réseaux sociaux et les autres qui écrivent. Chacun s’organise comme il le peut avec les moyens à sa disposition. Mais il n’y a pas de petits combats. Ce sont ces milliers d’initiatives individuelles qui nourrissent le vent de résistance qui est en train de souffler sur le pays. Car la finalité est la même pour chacun, quelques soient les moyens pour y parvenir : lutter contre l’éradication sociale et culturelle, combattre les assassins de la liberté et de la justice pour rétablir les libertés publiques et individuelles, la liberté humaine, l’égalité entre les hommes et la dignité de tous.

Béatrice Taupin
Dogan Presse


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