Meral AkÅŸener, une 'louve' nationaliste face Í  ErdoÄŸan

La candidature à la présidentielle du 24 juin de Meral AkÅŸener affaiblit l'alliance d'ErdoÄŸan avec le parti d'extrême droite MHP, clé pour qu'il obtienne la majorité parlementaire.

En Turquie, à moins de deux mois du scrutin du 24 juin, il y a celles et ceux qui pensent que les dés sont pipés, et que la réélection du président Recep Tayyip ErdoÄŸan est assurée. Et puis il y a les autres qui veulent y croire, se lancent dans des conjectures et calculs électoraux sans fin, s’engouffrent dans des discussions politiques animées, comme les Turcs en ont le goût et le don.

Sur les lèvres de ces derniers, le prénom et le nom d’une femme: Meral AkÅŸener, dont la participation à la campagne peut –un peu– fragiliser le président sortant. Elle-même se définit comme une «nationaliste idéaliste», le courant de pensée de l’extrême droite turque.

Son surnom, «Asena», louve mythologique qui aurait donné naissance aux premiers Turcs, est hérité de cette tradition idéologique. La politicienne s’en revendique lorsqu’elle tend le bras et forme avec ses doigts une tête de loup, reprenant l’équivalent turc du salut fasciste.

L'extrême droite, dans les pas de son grand frère
Meral AkÅŸener n’a pas attendu que soient annoncées les élections anticipées pour faire savoir qu’elle se porterait candidate contre le président ErdoÄŸan. Bonne oratrice au caractère trempé, elle a plutôt bonne presse à l’étranger –comme si le fait d’être une femme candidate en Turquie, opposée au président turc de plus en plus autocrate, lui valait crédit en soi, sans parfois qu’on comprenne très bien d'où elle vient et qui elle est.

Élue cinq fois députée, Meral AkÅŸener est, à 61 ans, à peine plus jeune qu’ErdoÄŸan. Si «la louve» met régulièrement en avant une certaine piété musulmane, elle n’est cependant pas issue du sérail islamo-conservateur comme l’est le président turc.

Née à Izmit, sur la rive anatolienne de la mer de Marmara entre Bursa et Istanbul, elle a suivi les pas de son grand frère, militant d’extrême droite au sein du Milliyetçi Hareket Partisi (MHP, Parti de l’action nationaliste).

Les nationalistes de l’extrême droite turque sont une force politique importante du pays depuis les années 1970. Les origines de leur mouvement remontent à la fin des années 1930; il s'est structuré autour de jeunes officiers manifestant une sympathie pour le régime nazi et rêvant de panturquisme, l’union de tous les peuples de langues et de culture turque, des Balkans au Turkestan oriental.

C’est l’un de ces officiers –monté en grade après la Seconde Guerre mondiale, le colonel Alparslan TürkeÅŸ, qui fonde le MHP en 1969. Ses premiers militants –surnommés «bozkurtlar», les «loups gris»– sont des anti-communistes violents.

Nous sommes en pleine guerre froide. Membre de l’Otan, la Turquie est en première ligne face à l’URSS. À l’intérieur du pays, les milices d’extrême droite du MHP affrontent les syndicats et les groupes révolutionnaires, avec des milliers de morts des deux côtés. En 1978, les militants du MHP entreprennent de massacrer des familles entières d’extrême gauche, dans la ville de MaraÅŸ. On dénombre plusieurs centaines de victimes en deux jours.

En 1981, un «loup gris» nommé Mehmet Ali AÄŸca fait mondialement connaître l’extrême droite turque en tentant d’assassiner le pape Jean-Paul II.

Ariane Bonzon et Adam Leven


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