Le gang des motards, Osmanen Germania, proscrit par l'Allemagne
Accusés d'avoir commis des crimes violents, le ministre fédéral de l’intérieur allemand a interdit le groupe de motards Osmanen Germania (Ottomans d’Allemagne).
Mardi 10 juillet, Horst Seehofer, le ministre allemand de l’Intérieur, a interdit le groupe de motards Osmanen Germania, l’un des gangs au développement le plus rapide, effectuant après une intense surveillance policière plusieurs raids dans les états de Rhénanie-Palatinat, de Bade-Wurtemberg, de Bavière et de Hesse, Déjà en 2016 et 2017, des armes, de la drogue et de l'argent avaient été saisis. Cette interdiction touche leurs seize clubs et fait partie d’une répression du gouvernement fédéral contre le crime organisé. Dans un communiqué, le ministère de l'intérieur a déclaré que « le club présente un grave danger pour les droits individuels et le grand public » et que « cela s’applique aux groupes de motards comme l’Osmanen Germania, dont les membres commettent des infractions graves ». Et de rajouter : « ceux qui bafouent les règles de droit ne devraient pas s’attendre а une indulgence de notre part. »
Depuis fin mars, huit membres du groupe ont été jugés à Stuttgart pour tentative de meurtre, d’homicide involontaire, d’agression dangereuse, de proxénétisme, d’infractions liées aux armes à feu et à la drogue, d’extorsion prédatrice et de privation de liberté. L’ancien patron des Ottomans, Mehmet BaÄŸcı, qui se faisait appeler « président mondial », se trouve parmi les accusés, pour le chef d’inculpation d’extorsion, entre autres choses.
Qui sont les Osmanen Germania ?
Les Osmanen Germania (Ottomans d’Allemagne) sont un groupe de rockers nés en Turquie qui s'est créé en 2015. Répartis dans une quarantaine de sections, leur nombre s’élèverait, selon leurs publications, à 2 500 membres en Allemagne, plus particulièrement dans les régions de Francfort, Stuttgart et Wuppertal, et 3 500 dans le monde, où on les retrouve en Turquie, Autriche, Suisse et Suède.
On pourrait croire à un gang de bikers auquel ils semblent vouloir s'apparenter. Mais semblant tout droit sortis de la série Sons of Anarchy, club de motards hors-la-loi, ils se déplacent en bandes armées et se lancent pour une guerre de rue implacable, avec force gestes menaçants et agressions de leurs opposants. Officiellement, ils prétendent diriger des clubs de boxe et prodiguer du soutien scolaire aux jeunes d’origine turque, leur permettant ainsi de les sortir de la rue. Mais cette organisation n'est qu'une couverture afin de recruter de nouveaux membres pour le trafic de la drogue et des armes.
Le groupe a une forte présence sur le net où il diffuse des vidéos de rap dans lesquelles ses membres se montrent combatifs et agressifs, faisant l'apanage de la violence. Ils transmettent essentiellement des messages d'hostilité envers les Allemands, qu'ils dénigrent et affirment de façon récurrente leur force et leur capacité à se battre. Ils déclarent également dans leurs clips que les musulmans s’empareront du pays et qu'ils sont prêts à mourir au combat et en martyrs.
Les Osmanen Germania quant à eux réfutent ces allégations mais revendiquent leur admiration pour l'empire ottoman et assurent être « au service de la communauté », tout en défendant la politique du parti politique en place en Turquie, l'AKP. ”¨
Le réseau d’ErdoÄŸan combat ses dissidents au-delà des frontières turques
2015, année de création des Osmanen Germania. Or, c'est également à cette période que les campagnes des partis politiques turcs se sont amplifiées en Allemagne autour des élections législatives turque entre autres, engendrant des tensions entre les deux pays. En effet, les partis turcs, et plus particulièrement celui de l’AKP, ont mené une campagne intensive dans des pays européens à forte représentation de population turque. Les purges ayant suivies la tentative de coup d'État avorté de juillet 2016 ainsi que le référendum de 2017 n'ont fait qu'amplifier le phénomène ce qui amena l’Allemagne ainsi que d’autres pays européens à interdire aux représentants du gouvernement turc de faire campagne dans leur pays, provoquant une vive réaction de la part de l’AKP. Mais son influence en Allemagne, comme dans les pays voisins, reste extrêmement présente. Pléthores d'attaques et de manœuvres d'intimidation existent dans le pays. À l'origine de cette propagande, les médias turcs sous le contrôle du président ErdoÄŸan, diffusent quotidiennement auprès de trois millions de concitoyens dans le pays, dénigrant ceux originaires de la République Fédérale et s'attaquant aux partisans du réseau Gülen, accusé par le gouvernement turc d’avoir fomenté le push raté de juillet 2016. Menaces de morts et discours de haine sont déversés dans les médias sociaux. On peut même déplorer des titres de presse sur des imams espionnant les citoyens turcs afin de transmettre au pouvoir en place les noms de prétendus opposants au régime d'Ankara.
Espions pour le MIT
Sur les plus de trois millions de personnes d'origine turque vivant en Allemagne, un grand nombre sont des partisans de l'AKP. Selon Sebastian Fiedler, président de l’Agence fédérale de détectives allemands en Rhénanie du Nord-Westphalie, « les Ottomans ne sont pas seulement une organisation criminelle, ils travaillent dans l’intérêt du gouvernement turc ». La police criminelle d'État qui s’appuie sur les écoutes électroniques et les rapports de renseignement des autorités de sécurité a accumulé une grande quantité de preuves confirmant à la fois tout un réseau de communication ainsi que des transactions financières entre Ankara et les Ottomans. En avril 2016, des membres d'Osmanen Germania ont été reçus dans la capitale turque par Ilnur Cevik, conseiller d'ErdoÄŸan, qui a enfilé l'un des T-shirts du club en soutien au groupe pour son « travail auprès des jeunes ». Mehmet BaÄŸcı a également été vu avec le membre de l’AKP, Metin Külünk, figure clé du réseau national turc sur le sol allemand. À plusieurs reprises, selon le ministère fédéral de l'Intérieur allemand, il s'est également rendu en Turquie, toujours pour y rencontrer Metin Külünk. Les écoutes téléphoniques ont confirmé que Külünk aurait ordonné aux Turcs en Allemagne de « frapper les Kurdes à la tête avec des bâtons », de filmer l'acte et de fournir des vidéos à l'État turc afin de les utiliser comme « dissuasion » contre les détracteurs du président ErdoÄŸan. À ajouter à cela, le fait que beaucoup d'Osmanen seraient proches des loups gris, milices de moins en moins cachée du mouvement nationaliste turc.
Autre point pour le moins irréfutable, au cours des deux dernières années, des membres de l’Ottoman Germania ont été à plusieurs reprises présents en tant que gardes de sécurité lors de meeting de politiciens de l'AKP en Allemagne.
Selon le journal allemand, General-Anzeiger, Herbert Reul a déclaré dans un rapport pour la session de la commission parlementaire en octobre 2017 que « les autorités turques soutiennent les actions de l’Osmanen Germania et les voient comme des activités antiterroristes menées en Allemagne – ciblant directement le PKK, les Turcs d’extrême gauche et le mouvement de Gülen ». Propos corroborées par certains habitants, qui affirment avoir été victimes d’intimidations de la part de membres du gang.
Selon les recherches de la Stuttgarter Zeitung et de la ZDF, des transferts d'argent auraient eu lieu pour le groupe. Ceux-ci auraient été utilisés, entre autres, pour l'acquisition d'armes à feu entièrement automatiques. Metin Külünk aurait également remis plusieurs fois de l'argent aux dirigeants de Osmanen Germania.
Tout confirme donc que les actions des Ottoman Germania, ce gang turc qui a pour objectif de conquérir l'Allemagne, dépassent largement ce qu'on pourrait qualifier de vénération envers l'AKP. Leur collaboration avec les services du renseignement turc a pour mission essentielle de cibler et intimider les opposants au gouvernement turc dans la République fédérale. Tout chez eux n'est que haine et racisme. Il est d'ailleurs stipulé dans l'acte d'accusation, que les membres des Osmanen Germania tenterait d'éliminer toute personne désireuse de quitter l'organisation. Le procès de ce gang criminel à la solde de l'AKP se poursuit cette semaine et le 24 juillet, une décision devrait être prise afin de libérer ou non, Mehmet BaÄŸcı, l’ex-leader du gang.
Dogan Presse Agence