Alors que les heurts continuent, des blindés ont été déployés à Paris
Les autorités françaises ont annoncé vendredi le déploiement de blindés de la gendarmerie pour tenter d'enrayer le cycle des violences, pillages et destructions qui ne faiblissent pas depuis le décès du jeune Nahel. Le président Macron a aussi dénoncé une "instrumentalisation inacceptable".
Nahel, 17 ans, a été tué par un tir au thorax lors d'un contrôle routier mené par deux motards de la police, après un refus d'obtempérer à Nanterre, à l'ouest de Paris. Ses obsèques auront lieu samedi sous haute tension.
La mort de l'adolescent a déjà entraîné trois nuits de violences en France, notamment en région parisienne, et les services de renseignement craignant une "généralisation" des violences. Le recours à l'état d'urgence n'est plus écarté par les autorités.
Malgré l'arrestation de 875 personnes dans la nuit de jeudi à vendredi, 492 bâtiments ont été visés, 2000 véhicules brûlés et des dizaines de magasins pillés, notamment en plein coeur de Paris. Plus de 45'000 policiers sont mobilisés.
Emmanuel Macron dénonce une "instrumentalisation inacceptable"
Le président Emmanuel Macron a annoncé que "des moyens supplémentaires" allaient être déployés par le ministre de l'Intérieur et a ajouté que "la décision a été prise d'annuler plusieurs évènements festifs et plusieurs rassemblements dans les départements qui sont les plus sensibles".
Parmi ces nouveaux moyens, la première ministre Elisabeth Borne a annoncé le déploiement de véhicules blindés de la gendarmerie.
Emmanuel Macron a en outre dénoncé "une instrumentalisation inacceptable de la mort d'un adolescent (...) alors que la période devrait être au recueillement et au respect". Le président a également appelé "tous les parents à la responsabilité" qui, selon lui, doivent garder leurs enfants à la maison.
"Il est clair que le contexte que nous vivons, on le voit, est la résultante de groupes parfois organisés, violents et équipés, que nous condamnons, que nous appréhendons et qui seront judiciarisés, mais également de beaucoup de jeunes. Un tiers des interpellés de la dernière nuit sont des jeunes, parfois des très jeunes", a observé Emmanuel Macron.
Nombreuses localités touchées
Après les heurts de la nuit, des incidents ont de nouveau éclaté durant la journée de vendredi. Dans le centre de Strasbourg, un magasin Apple Store a été vandalisé. A Rosny-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), les vitres d'un fast-food ont été brisées et du mobilier renversé à la gare RER et le rideau métallique d'un centre commercial a été pris pour cible. A Créteil, un autre centre commercial a été touché et 15 émeutiers ont été interpellés.
Vendredi soir, des affrontements ont opposé manifestants et force de l'ordre devant l'Hôtel de ville à Lyon, au début d'un rassemblement contre les violences policières interdit par la préfecture du Rhône. Malgré l'interdiction, la foule a afflué vers 20h00 au centre-ville, pour atteindre 1300 personnes, selon la préfecture. Les forces de l'ordre ont répliqué par des gaz lacrymogènes à des tirs de mortiers d'artifice provoqués par des manifestants cagoulés.
La tension était particulièrement palpable en soirée au centre de Marseille. Une manifestation en hommage à Nahel a été interdite par la préfecture, comme dans de nombreuses autres villes. Mais des dizaines de jeunes se sont soudainement rassemblés sur le Vieux-Port, scandant "Tout le monde déteste la police" et s'approchant de fourgons des forces de l'ordre garés dans une rue adjacente en lançant des projectiles, la police répondant par des tirs de gaz lacrymogène.
La police a annoncé au moins 63 interpellations vers 22h45 parmi des petits groupes "très mobiles", dont certains "tentent des pillages" sur plusieurs artères. Deux policiers ont été blessés légèrement.
Les préfectures de plusieurs grandes villes, comme Marseille, Lyon, Bordeaux, Montpellier ou Toulouse ont interdit toute manifestation dans les centres-villes.
A Montpellier, plusieurs centaines de personnes ont également bravé l'interdiction de manifester vendredi soir, défilant dans la ville à l'appel de plusieurs mouvements de gauche radicale.
Deux morts dans les émeutes
En Guyane, un homme a été tué dans la nuit par une "balle perdue" destinée aux policiers déployés pour mettre fin à des émeutes à Cayenne. A Marseille, une enquête pour tentatives de meurtre sur personnes dépositaires de l'autorité publique a été ouverte vendredi après l'agression de deux policiers en civil dans la nuit.
Un jeune homme est aussi mort après être tombé du toit d'un magasin dans le nord-ouest de la France, dans la nuit de jeudi à vendredi, alors que pillages et vandalisme se multipliaient. Les versions de la police et du parquet divergent toutefois sur les circonstances de l'accident: la chute du jeune homme est survenue "dans le cadre d'un pillage" d'un supermarché, selon une source policière. Le procureur de Rouen (nord-ouest), qui s'est exprimé peu après, affirme pour sa part que ce magasin ne faisait pas "l'objet d'une attaque d'émeutiers lors de ces faits".
Plus de transports en commun dès 21h
Le ministre de l'Intérieur a également demandé aux préfets l'arrêt des bus et tramways dans toute la France à partir de 21h00. Le ministre leur a aussi demandé la "prise systématique d'arrêtés d'interdiction de vente et de transport" de mortiers d'artifice, de bidon d'essence, d'acides et de produits inflammables et chimiques.
Le métro fermera quant à lui aux mêmes horaires qu'en semaine, autour d'une heure du matin vendredi et samedi, soit une heure plus tôt que d'habitude.
Par ailleurs, les lignes entre la Suisse et la France ont été interrompues vendredi à partir de 19h30, en raison des décisions de Paris, ont annoncé les Transports publics genevois (tpg) dans un communiqué.
"En raison des événements qui ont lieu en France depuis plusieurs nuits, les autorités françaises ont ordonné l'arrêt total des transports publics sur le territoire dès 21h00", expliquent les tpg. Afin d'assurer cette demande, les lignes transfrontalières ont été progressivement arrêtées à la frontière.